Défi "surgelés"
Je n'étais pas mécontente de ma récup' lorsque j'ai fait récemment ce tablier d'enfant. Si ce n'est qu'un truc clochait : manger des surgelés quand on tient un blog écolo et qu'on se dit heureux d'appartenir à une Amap fournissant des produits locaux, bios et de saison... ça peut sembler assez contradictoire ! Une lectrice s'est tout de suite empressée de me le faire remarquer en commentaire : Ada si tu es là, ce billet t'es dédié ! ;-)
J'avoue que dans un premier mouvement, cette remarque m'a un poil agacée. OK les surgelés, même bio ce n'est pas hyper écologique ! Mais j'en consomme peu, juste parce que c'est parfois pratique les jours où l'on est noyés de boulot, où la grenouillette meurt de faim et où l'on manque de courage. Après tout, nous ne sommes pas en lieu exemplaire : ici c'est le blog de madame tout-le-monde, qui est loin d'être parfaite et se pose d'ailleurs mal de questions avant de pouvoir les résoudre !
Mais passé ce premier mouvement, j'étais bien obligée de faire le point. D'autant que je me suis déjà interrogée sur la "nécessité" de notre congélateur domestique... Et résultat : c'est mon appareil énergivore non négociable, mon jocker avec l'ordinateur ! Mais bizarrement, jamais mon esprit ne s'était aventuré vers les produits surgelés que j'achète de temps à autre... Or, ça fait quand même partie du processus de réflexion ! D'où ce point personnel, que je vais présenter en thèse-antithèse à la manière de Vegebon, petit hommage personnel à ses grandes enquêtes - mais la mienne restera brève !
Pourquoi consommer des surgelés :
Parce que c'est pratique : Je pense que peu de gens contesteront ce point ! Le temps de conservation peut aller jusqu'à 12 mois en fonction des aliments, ce qui très appréciable. D'autre part, les légumes surgelés en vrac sont prêts à cuisiner, ce qui les rend d'un emploi simplissime : déjà épluchés, déjà émincés, déjà réduits en purée... Ici pas de temps fou à nettoyer, éplucher, enlever les feuilles flétries, les petits morceaux gâtés... comme sur les vrais légumes de l'Amap ! Entre les épinards frais et ceux "en cube" des surgelés, le temps passé n'a clairement rien à voir !
Parce que ça reste intéressant d'un point de vue nutritionnel : là se situe mon grand point faible ! Je comprends ma maman qui, pour ne pas être esclave de la cuisine, nous a nourries ma soeur et moi avec nombre de conserves... Mais quand même, l'équilibre nutritionnel en avait pris un sacré coup : toutes les vitamines les plus fragiles ont disparu dans les conserves! De ce point de vue, les surgelés permettent d'être une personne active ET d'avoir une nourriture correcte, avec ce qu'il faut en nutriments, et notamment une partie de vitamine C, de loin la plus fragile (voir ici)... Et sans pesticides qui plus est, si l'on choisit les quelques surgelés bios que l'on trouve aujourd'hui - ceux que je choisis exclusivement, sauf pour les fines herbes.
Pourquoi ne pas en consommer :
Parce qu'ils ne soutiennent pas l'agriculture locale : Je ne sais pas si vous vous livrez à l'examen des étiquettes sur les produits que vous achetez, mais moi oui, au moins en partie... Et le moins qu'on puisse dire et que les provenances des produits surgelés sont TRES peu indiquées... Même dans les produits bio ! Je crois avoir trouvé une fois des framboises bio françaises - très chères... normal par rapport aux framboises de Bulgarie ou du Chili, majoritaires dans la chaîne de magasins ultra-connus que je fréquente. Pour le reste, épinards, carottes, haricots, champignons... hum ! Certes, un mouvement naturel nous incite à penser que ces légumes sont bien de chez nous, dans un pays aussi agricole que le nôtre... Mais non! Sur pas mal de sachets, (ratatouille, petits pois...) j'ai trouvé l'indication "élaboré en Italie". Ce qui ne veut pas dire que les matières premières sont italiennes... En deux mots, les haricots peuvent venir du Kenya, les petits pois d'Israël, nous n'en sauront jamais rien... Et nous ne saurons jamais non plus dans quelle conditions les ouvriers agricoles travaillaient, ni si les contrôles de ces produits bio lointains était très sérieuse....
Parce que la chaîne du froid est génératrice de GES : Je pense que certains on dû déjà l'entendre, les fluides frigorigènes comme le CFC et le HCFC sont de puissants gaz à effet de serre. Le grand problème étant la fuite fréquente de ces gaz hors de l'appareil ! Certes, on ne produit apparemment plus ni CFC ni HCFC (je n'ai pas trouvé des dates fiables de leur arrêt, qui varient selon les sites), mais en tout cas ces gaz semblent être encore en usage à l'heure actuelle...
Parce que la chaîne du froid est très énergivore : Autre problème et non des moindres, ces produits surgelés qui parcourent la planète nécessitent une production de froid qui, selon ce site, représenterait 15% de l'électricité mondiale ! Il y a d'abord les camions frigorifiques pour le transport : une consommation annuelle estimée dans ce document à 235 GigaWatts, ou 20 000t équivalent pétrole pour leur seule consommation de froid... Viennent ensuite les entrepôts où sont stockés ces surgelés, qui ne sont pas forcément des merveilles de basse consommation : au contraire, les vieux entrepôts sont souvent mal isolés, ce qui leur donne une faible efficacité énergétique - voir ce document qui donne des conseils pour limiter leurs nombreuses pertes d'énergie. On retrouve bien évidemment des problèmes similaires pour les magasins... En pire, puisque les allées venues des clients, l'ouverture des portes en période estivale, la chaleur produite par les éclairages, voir le chauffage du magasin, tout contribue à la surconsommation d'énergie! Et certes, certaines chaînes commerciales font parfois des efforts... mais rénover tout un parc de matériel est coûteux et fastidieux, et les efforts sont souvent limités, ce qui peut se comprendre si l'on envisage la quantité des installations à rénover - et je n'ai d'ailleurs pas trouvé d'informations signalant de tels efforts de la part de la chaîne qui me fournit...
Synthèse personelle :
En deux mots, si l'on est comme moi déjà un peu honteux de céder à l'appel du congélateur, la conclusion est vite : est-ce bien nécessaire de plomber encore plus le bilan écologique en achetant des produits surgelés tout prêts ? N'est-il pas tout aussi simple de congeler ses propres produits locaux et faits maison quand on a le temps ? D'autant qu'il est toujours possible d'être vigilant sur la consommation de son congélateur domestique... Par contre, on ne peut jamais vérifier les performances de la chaîne du froid qui a amené le produit jusqu'à nous - et il y a de grandes chances qu'elle soit assez peu efficace !
Notons au passage que si vous n'avez pas encore acheté de congélateur, ou si vous devez en racheter un, vous trouverez la liste des plus performants ici, au rayon électroménager. A lire absolument, car aujourd'hui il y a vraiment des congélateurs économes ! Vous trouverez enfin ici et là des conseils intéressants sur le choix et l'usage du réfrigérateur et du congélateur... où l'on notera le difficile dilemne : choisir un système sans givre qui consomme 30% d'électricité en plus, ou choisir de faire soi-même le dégrivrage... au risque, si on oublie de dégivrer, que le réfrigérateur consomme 30% de plus ! Notons enfin une astuce lue dans "La maison écologique" : en plaçant son frigo dans un local non chauffé et en l'isolant (sauf à l'arrière, bien sûr), un particulier à fait baisser la consommation de son réfrigérateur à 140kwh, contre les 190kwh annoncés par le fabriquant !
De toutes façons, les avantages pratiques des produits congelés sont tout à fait atteignables avec des congélations maison, ce que je pratique déjà régulièrement. Par exemple quand j'ai un trop plein de légumes de mon Amap : betteraves, poivrons, carottes, persil, poireaux... il suffit de tout préparer un jour où l'on a le temps, et de ressortir ce qu'on veut le jour où l'on en manque ! Pour ceux qui débutent en congélation ou ont quelques doutes, vous trouverez des conseils par ici... Pour ma part je suis une méthode assez similaire à la sienne : je blanchis très rapidement la plupart des légumes en tranches, les laisse refroidir, puis les étale dans un grand plat à gratin pour les congeler : ainsi je peux les décoller facilement et les mettre en vrac dans un sac, ça prend moins de place et c'est ensuite très facile de faire des portions selon ses besoins. Quant aux soupes, en général je les démoule de leur contenant en les sortant 5-10mn du congelateur, puis les mets en sachets avant de les remettre au froid : ainsi je n'aurais qu'à poser mon bloc de soupe directement dans la casserole pour le dégeler au moment où j'en aurai besoin.
On pourra du coup se demander pourquoi, alors, j'achetais des produits congelés jusqu'ici... ? Mmh, sans doute me restait-il quelques faiblesses inavouables : le prix très bas des haricots verts contre celui bien élevé des haricots verts bio frais... mais aussi le plaisir de manger ici et là hors saison, comme lesdits haricots ou la ratatouille en hiver... Bon ! Après tout, cela fait quelques années que nous mangeons presque exclusivement bio et que nous allons chercher notre panier local, nous avons quand même eu le temps de nous habituer à la vraie cuisine hivernale, de nous passer de tomates et courgettes jusqu'à l'été, de trouver des recettes festives de topinambours, de choux et de betterave ! Donc ça ne devrait pas être un si gros effort d'arrêter totalement les surgelés... Et puis bon, de temps à autre, je nous autoriserai quand même le joker de la sauce tomate et de la ratatouille en bocaux... Nul doute au fond qu'on ne s'aperçoive même pas du boycott de notre dernière grande surface!